Remettre l’argent aux héritiers avant la fin de la liquidation de la succession, oui ou non?
La liquidation des successions est un long processus, qui apporte son lot de frustrations. Les délais sont interminables avant qu’un héritier puisse recevoir sa part d’héritage. Le liquidateur qui veut bien faire, doit respecter plusieurs étapes cruciales avant de pouvoir libérer les actifs du défunt, dans un premier temps, pour ne pas lui-même être tenu personnellement responsable des dettes du défunt, mais aussi, pour ne pas engager, non plus, la responsabilité des héritiers, au-delà des biens qu’ils recueillent. C’est donc normal que le liquidateur refuse de remettre des sommes aux héritiers en cours de liquidation.
Le Code civil du Québec est très clair dans les démarches que le liquidateur doit suivre pour ne pas engager sa responsabilité. La première, et une des plus importantes étapes de la liquidation des successions, est la confection de l’inventaire de l’actif et du passif du défunt. L’inventaire détermine tous les biens que possédait le défunt, mais aussi toutes ses dettes au jour de son décès. Il est adéquat par la suite de poser un diagnostic de la succession : succession solvable, succession non manifestement solvable et succession manifestement insolvable. Selon ce diagnostic, la succession ne se liquidera pas tout à fait de la même façon.
Une fois que l’inventaire est signé par le liquidateur ou les héritiers, des avis de clôture d’inventaire doivent être publiés au Registre des droits personnels et réels mobiliers (RDPRM) et dans un journal circulant dans la localité du domicile du défunt. Ces avis permettent d’informer les créanciers, en général, du décès du défunt. Si le créancier veut alors faire valoir sa créance, il pourra le faire auprès du liquidateur ou des héritiers.
L’article 808 du Code civil prévoit que le liquidateur peut commencer à payer les créanciers après que les avis de clôture aient été publiés, en autant que la succession s’avère manifestement solvable. Si la succession s’avère insolvable, bien sûr, la loi prévoit d’autres démarches devant le tribunal. Cela pourra faire l’objet d’un autre article. À ce moment, il est clair que le liquidateur devra suivre une procédure spéciale et il n’est aucunement autorisé à payer quelques dettes avant d’avoir eu un jugement du tribunal.
Le fait pour le liquidateur de remettre des sommes d’argent aux héritiers avant d’avoir dressé l’inventaire et publié les avis de clôture n’est pas sans conséquence. En effet, la loi considère alors que sans inventaire, il y a confusion des biens entre ceux du défunt et ceux de l’héritier. Si les dettes du défunt sont alors plus importantes que son actif, les créanciers auront la possibilité de saisir, par exemple, les biens personnels de l’héritier.
Bien qu’il y ait une croyance à l’effet que le liquidateur a six mois pour dresser un inventaire, il n’en est rien. Ce délai de 6 mois vise plutôt l’option offerte aux successibles. En effet, si un successible veut renoncer à une succession, il doit le faire dans les 6 mois du décès. Pour prendre une décision en ce sens, il faut bien sûr se référer à un inventaire. Par contre, la réalité est toute autre! Dresser un inventaire dans un délai de 6 mois est presque impossible! Juste attendre les feuillets fiscaux pour finaliser les impôts du défunt peuvent prendre des mois… Comme l’inventaire doit refléter un portrait exact de la situation du défunt à son décès, il est essentiel que les impôts aient été faits. Ainsi, nous allons le plus souvent dresser un bilan sommaire de l’actif et du passif du défunt avec les seules informations obtenues dans ce délai de six mois, question que les successibles puissent opter. Mais l’inventaire, tel que le Code civil le requiert peut prendre beaucoup plus de temps, voire parfois plus d’un an, dans certaines successions.
Une fois que l’inventaire est signé et que les avis de clôture ont été publiés, la liquidation n’est pas terminée, malgré ce qu’on peut en penser. Oui, il y a le côté civil, mais il y a le côté fiscal également à respecter. Les lois fiscales, provinciales et fédérales, prévoient qu’un liquidateur ne peut distribuer de biens avant d’avoir obtenu les certificats de décharge (fédéral) et de distribution (provincial). Encore une fois, ces certificats font office de protection pour le liquidateur. Si un liquidateur fait remise de biens de la succession avant d’avoir obtenu ces deux certificats, il pourra être tenu PERSONNELLEMENT responsable des dettes fiscales, s’il y a lieu. Un pensez-y-bien pour le liquidateur!
Nul doute qu’il est fort possible que le liquidateur vous refuse une remise de votre legs tant qu’il n’a pas obtenu les certificats en question. Le testament a beau prévoir que vous devrez recevoir votre legs de 100 000$ dans les 6 mois du décès, et bien, ne vous surprenez pas qu’il n’en soit pas ainsi!
Les délais d’obtention pour ces deux certificats sont très longs! D’abord, rien ne sert de les demander tant que les impôts n’auront pas été produits. Ils ne seront pas émis avant que tout ait été cotisé, également. Il faut comprendre que pour les ministères du Revenu provincial et fédéral, c’est l’ultime chance de vérifier tout le dossier fiscal des dernières années du défunt. Les délais d’attente sont interminables, au-delà de 6 mois présentement, une fois que les impôts sont déposés et cotisés. Il faut s’armer de patience!
Cette démarche n’a pas à être entreprise si le seul héritier est également liquidateur, puisque l’héritier est de toute façon responsable des dettes du défunt. Dans son cas, pour sa protection, seuls un inventaire signé et l’avis de clôture publié lui permettront de ne pas être responsable des dettes du défunt au-delà des avoirs qu’il recueille.
En résumé, il n’est pas rare de voir des héritiers exaspérés de ne pas recevoir leur legs dans des délais acceptables, mais il peut s’avérer normal d’attendre si longtemps. La liquidation d’une succession peut être un long processus, et pour certaines successions, il ne faut pas se surprendre si les délais prennent plus d’un an, même plus de deux ans!
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