Me Joëlle Tremblay, notaire

Nous pouvons penser que lors du décès d’une personne qui avait préparé un testament, tout sera simple. Si la préparation d’un testament bien rédigé facilite grandement la liquidation de la succession au décès, la présence d’un testament irrégulier ou encore mal rédigé peut compliquer la liquidation d'une succession. C’est pourquoi il est important d’être bien conseillé lorsque vous préparez votre testament afin d’éviter des tracas à vos proches à votre décès. Voyons ensemble quelques exemples.  

Vérification du testament 

Le décès d’une personne ayant signé un testament sous une autre forme que notariée implique qu’une vérification de ce testament devra être faite au décès. Il s’agit en fait d’une procédure devant tribunal ou devant notaire et ayant pour but de confirmer que le testament est celui du défunt, d’assurer sa publicité et de confirmer qu’il respecte les conditions de forme prescrites. Il est important de rappeler qu’un testament notarié n’a pas à faire l’objet d’une vérification et qu’il est applicable dès le décès.  

Il faut savoir qu’au Québec, il est possible de tester suivant trois formes de testament, soit le testament notarié, le testament olographe (écrit de la main du testateur) et le testament devant témoins, et ce, suivant le Code civil du Québec. En principe, toute autre forme de testament n’est pas valide. Nous verrons toutefois ci-après qu’il y a des exceptions à ce principe.  

Résultat : confirmation que le testament est celui du défunt, publicité du testament et confirmation que le testament respecte les conditions de forme prescrites.  

Validation du testament sous une autre forme 

Cette procédure est prévue aux articles 713 alinéa 2 et 728 alinéa 2 du Code civil du Québec et trouve application dans le cas où le testateur a eu l’intention de tester selon l’une des formes légales mentionnées ci-avant (appelée « forme apparente »), mais qu’il n’a pas respecté toutes les règles.  

Pour que cette procédure soit admissible, deux conditions doivent être respectées, à savoir :  

1. La nullité du testament doit découler d’un défaut de forme (ex. : signature d’un témoin manquante) et non d’un défaut de fond (ex. : captation du défunt par un membre de sa famille) ;  

2. Le testament doit être acceptable sous une autre forme prévue par le Code civil du Québec (appelée « forme auxiliaire ou subsidiaire »).  

Résultat : le testament ne valant pas sous la forme apparente vaut sous la forme auxiliaire ou subsidiaire. 

Validation judiciaire du testament conforme à la volonté du testateur 

Cette procédure prévue à l’article 714 du Code civil du Québec doit être suivie dans le cas où le testateur a eu l’intention de tester selon l’une des trois formes légales de testament, mais qu’il n’a pas respecté toutes les exigences légales. Cette procédure a encore une fois pour but de respecter la volonté du testateur, puisqu’elle rend valide un testament qui théoriquement, ne l’est pas.  

Quatre conditions doivent être respectées afin de procéder à la validation judiciaire d’un testament, à savoir :  

1. Le testament doit être olographe ou devant témoins, le testament notarié étant exclu de ce type de procédure ;  

2. La nullité du testament doit découler d’un défaut de forme ;  

3. La règle de forme transgressée ne doit pas être essentielle ;  

4. Le testament doit contenir, de façon certaine et non équivoque, les dernières volontés du défunt.  

Il y a beaucoup de jurisprudence concernant la 3e condition afin de déterminer si la règle de forme transgressée est essentielle ou non. Par exemple, dans bien des cas, la signature du testateur d’un testament a été considérée comme essentielle et donc, la validation judiciaire de l’écrit n’était pas possible. Par contre, la jurisprudence est mitigée sur cette question, puisque des testaments ont été validés, même en l’absence de signature du testateur.  

Résultat : le testament ne valant pas sous une forme précise est tout de même validé sous cette forme. 

Reconstitution du testament 

Lorsqu’une personne décède et que son testament ne peut pas être produit (ex. : seulement une photocopie du testament a été trouvée), il est possible de procéder à sa reconstitution, et ce, suivant la procédure prévue à l’article 774 du Code civil du Québec.  

Une condition doit être respectée pour ce type de procédure, à savoir que la preuve du contenu du testament, de son origine et de sa régularité doit être concluante et non équivoque.  

Résultat : le testament est reconstitué et peut donc s’appliquer. 

Reconnaissance du testament 

La reconnaissance d’un testament est également prévue par le Code civil du Québec à son article 773 et son but est de respecter la volonté du testateur. Il ne s’agit pas d’une procédure, contrairement aux autres sujets abordés ci-avant. C'est plutôt lorsqu’une personne reconnait, après le décès du testateur, un testament irrégulier, toujours quant aux conditions de forme, afin qu’il puisse valoir. 

Afin qu’une reconnaissance d’un testament puisse être faite, trois conditions doivent être respectées, à savoir : 

1. La reconnaissance du testament doit émaner d’un héritier ou de tout intéressé ; 

2. La reconnaissance peut être expresse ou tacite (ex. : l’exécution volontaire du testament par une personne) ; 

3. La reconnaissance doit avoir lieu avec la connaissance du vice que la personne pourrait invoquer.  

La 3e condition est très importante, puisque la personne qui reconnait le testament doit être informée de la cause de la nullité et accepter le testament malgré la possible nullité. Le but de cette condition étant qu’une personne ne peut pas renoncer à un droit qu’elle ignore, principe bien connu en droit.  

Résultat : le testament irrégulier est tout de même reconnu par une ou plusieurs personnes. 

Conclusion 

Comme vous pouvez le constater, il existe plusieurs procédures possibles quant à un testament lors du décès d’une personne, sans compter qu’il existe également d’autres procédures autres que celles mentionnées ci-avant qui peuvent s’appliquer, notamment l’obtention d’un jugement déclaratoire, la confirmation d’un testament d’un majeur sous tutelle et l’obtention lettres de vérification).  

Afin de bien analyser votre situation pour déterminer quelle(s) procédure(s) pourrai(ent) s’appliquer à vous ou pour en savoir davantage, communiquez avec notre équipe chez BEAUCHAMP GILBERT NOTAIRES. Communiquez également avec nous si vous désirez préparer votre testament afin de faciliter les démarches légales à votre entourage à votre décès.

Me Michel Beauchamp, notaire émérite

Un conjoint, seul héritier et seul liquidateur, ne peut malheureusement pas démissionner de son rôle de liquidateur pour qu’une autre personne puisse être nommée à sa place, et ce en vertu de l’article 784 du Code civil du Québec.

Solutions possibles :

Le conjoint liquidateur pourrait mandater une autre personne pour le représenter dans le cadre de certains actes. Mais attention, afin de respecter l’article 1337 du Code civil du Québec, il ne doit pas donner des pouvoirs décisionnels au mandataire et transférer l’ensemble de ses pouvoirs de liquidateur.

Le conjoint liquidateur peut aussi mandater un notaire dans la liquidation d’une succession. Ainsi, il demeure quand même liquidateur, mais il se fait assister dans la liquidation, ce qui réduit amplement sa charge, surtout si le conjoint est âgé!

Par contre, il faut apporter une nuance à cette règle, si le liquidateur est héritier unique en vertu d’un testament et que le testateur a prévu un remplaçant ou un mode de remplacement, l’héritier unique pourra démissionner et il sera remplacé par la personne prévue au testament.

Me Michel Beauchamp, notaire émérite

Quand vient le temps de préparer une déclaration de transmission pour un immeuble légué à titre particulier, on peut se demander si l’intervention du légataire particulier est nécessaire et obligatoire. Est-ce que le liquidateur pourrait simplement signer la déclaration de transmission, sans l’intervention du légataire particulier?

En vertu de l’article 742 C.c.Q., le légataire particulier a le droit, comme un successible, de délibérer et d’exercer son option, à l’égard du legs qui lui est fait, avec les mêmes effets et suivant les mêmes règles que le successible. Le légataire particulier pourrait donc, dans les 6 mois du décès, renoncer à son legs particulier. Dans ce contexte, s’il est nécessaire de publier une déclaration de transmission avant l’expiration du délai de délibération, il est obligatoire d’obtenir l’intervention du légataire particulier dans l’acte de déclaration de transmission, à l’effet qu’il accepte son legs. Au-delà de l’expiration du délai de 6 mois, si le légataire particulier n’a pas renoncé à son legs, il est présumé avoir accepté, ce qui permettrait alors au liquidateur de signer seul la déclaration de transmission.

Yulian Tremblay, stagiaire notaire et Michel Beauchamp, notaire émérite

Lors de la séance du 30 mai 2024 l’Assemblée nationale du Québec a adopté à l’unanimité le projet de loi no 56, Loi portant sur la réforme du droit de la famille et instituant le régime d’union parentale (ci-après « projet de loi no 56 »). Ce projet de loi, dont l’entrée en vigueur est prévue le 30 juin 2025[1], apporte des changements importants, dont la création d’un régime d’union parentale.

En vertu de l’alinéa 1 du futur article 521.20 du Code civil du Québec, ce régime d’union parentale s’applique dès que des conjoints de fait deviennent les parents d’un même enfant ou encore, lorsque les parents d’un même enfant deviennent conjoints de fait ou, le redeviennent.

Tout d’abord, il est nécessaire de définir le terme « conjoints de fait » qui s’entend de deux personnes qui font vie commune et qui se présentent publiquement comme un couple et ce, sans égard à la durée de leur vie commune[2]. Il y a présomption de vie commune lorsque les personnes cohabitent et qu’elles sont parents d’un même enfant. La représentation publique est une question de fait qui consiste en une manifestation publique du statut de conjoints de fait, à titre d’exemple, on pourrait penser au fait de déclarer le nom de son conjoint- sa conjointe à sa déclaration d’impôts[3]. En résumé, lorsque deux personnes cohabitent ensemble, qu’elles sont publiquement reconnues comme conjoints de fait et qu’elles sont les parents d’un même enfant et, ce peu importe la durée de leur union, elles sont considérées comme étant dans une union parentale et, sont soumises aux devoirs et obligations qui s’y rattachent.

Suivons l’histoire de Manon et Jules afin d’illustrer la formation de ce régime d’union parentale. Ces derniers se sont rencontrés au début du mois de mai 2024. Lors de leur rencontre, Manon habitait encore chez ses parents tandis que Jules était en colocation avec des amis. Manon tombe enceinte et donne naissance à leur enfant neuf mois plus tard. À ce stade, ils ne sont pas conjoints d’union parentale puisqu’ils ne peuvent pas être considérés comme conjoints de fait, ne respectant pas les conditions de vie commune et de représentation publique.

Cependant, l’histoire se poursuit et, les deux tourtereaux décident de d’emménager ensemble en juillet 2025 puisque les circonstances sont favorables. Entre-temps, Jules, ayant souscrit à une petite assurance vie, décide de nommer Manon comme bénéficiaire. Manon et Jules sont désormais des conjoints d’union parentale au sens du projet de loi 56 puisqu’ils se conforment à la définition de conjoints de fait et qu’ils sont parents d’un même enfant.

Dans notre prochain blogue, nous traiterons des impacts de ce nouveau régime d’union parentale.

 [1] Assemblée nationale du Québec, « Projet de loi no 56, Loi portant sur la réforme du droit de la famille et instituant le régime d’union parentale », https://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/projets-loi/projet-loi-56-43-1.html

[2] Art. 521.20 al. 4 C.c.Q.

[3] Brigitte LEFEBVRE, « Le traitement juridique des conjoints de fait : deux poids, deux mesures ! », Cours de perfectionnement du notariat, Chambre des notaires du Québec, Éditions Yvon Blais, 2001, p. 245.

Me Joëlle Tremblay, notaire

La protection des personnes vulnérables occupe une place très importante dans notre société, davantage lorsqu’une personne est en perte d’autonomie et qu’elle doit être déclarée inapte légalement. C’est la raison pour laquelle il existe des mécanismes de protection prévus par la loi et ces mécanismes sont principalement l’homologation du mandat de protection (en présence d’un mandat de protection) et l’ouverture d’une tutelle (en l'absence d’un mandat de protection).

Il est important de faire un léger survol de ce qu’est un mandat de protection. L’article 2166 du Code civil du Québec prévoit ce qui suit :

« Le mandat de protection est celui donné par une personne majeure en prévision de son inaptitude à prendre soin d’elle-même ou à administrer ses biens; il est fait par acte notarié en minute ou devant témoins. Il ne peut être fait conjointement par deux ou plusieurs personnes. »

Plusieurs différences existent entre les deux mécanismes de protection reconnus au Québec, créant d’importantes distinctions quant aux impacts sur l’administration des biens de la personne vulnérable et le consentement à ses soins. Regardons ensemble les principales différences à l’aide du tableau explicatif ci-bas

Homologation d’un mandat de protection

Ouverture d’une tutelle

Représentant légal

Mandataire

Tuteur

Lorsque vous préparez votre mandat de protection, vous nommez des personnes afin qu’elles administrent en votre nom vos biens et consentent en votre nom à vos soins dans le cas où vous deviendrez inapte.

Lorsqu’une personne devient inapte et qu’elle n’a pas signé de mandat de protection, il est nécessaire de lui nommer un tuteur.

 

Le tuteur est proposé dans le cadre de la procédure d’ouverture de tutelle, plus précisément lors de l’assemblée de parents, d’alliés ou d’amis. Par la suite, le tribunal confirme ou non cette nomination lorsqu’il rend son jugement pour l’ouverture de tutelle.

Vous pouvez nommer une seule personne pour agir comme mandataire ou plusieurs personnes en même temps.

Attention : il est possible de nommer deux tuteurs à la personne seulement lorsque les tuteurs sont les père et mère (article 268.1 alinéa 1 du Code civil du Québec).

Vous pouvez nommer une même personne pour agir comme mandataire aux biens (administration des biens) et mandataire à la personne (consentement aux soins) ou des personnes différentes.

Il est possible que soient nommées une même personne pour agir comme tuteur aux biens (administration des biens) et tuteur à la personne (consentement aux soins) ou des personnes différentes.

Il est fortement recommandé de nommer des mandataires remplaçants dans le cas où le mandataire nommé ne peut pas agir (ex. : en cas de décès, de renonciation, d’inaptitude).

Depuis l’entrée en vigueur de la Loi visant à mieux protéger les personnes en situation de vulnérabilité en novembre 2022, il est maintenant possible de nommer un tuteur remplaçant dans le cas où le tuteur nommé ne peut pas agir (ex. : en cas de décès, de renonciation, d’inaptitude).

Fait intéressant : il n’est pas possible de nommer le Curateur public du Québec pour agir comme mandataire.

Fait intéressant : il est possible de nommer le Curateur public du Québec pour agir comme tuteur. Dans ce cas, le Curateur public du Québec ne peut pas refuser cette nomination et devra agir (articles 261 et 266 du Code civil du Québec).

Administration des biens (pouvoirs)

Choix de la pleine administration ou de la simple administration

Imposition de la simple administration

Lorsque vous préparez votre mandat de protection, vous choisissez les pouvoirs d’administration qu’aura votre mandataire.

Le tuteur a les pouvoirs conférés par la simple administration, et ce, suivant l’article 286 du Code civil du Québec, et devra donc obtenir certaines autorisations dans le cadre de l‘administration de vos biens.

Vous pouvez soit choisir la pleine administration et votre mandataire ne sera pas restreint dans ses pouvoirs pour l‘administration de vos biens, soit choisir la simple administration et votre mandataire devra obtenir certaines autorisations dans le cadre de l‘administration de vos biens.

Une situation fréquente suivant laquelle le tuteur doit obtenir une autorisation est la vente d’un immeuble lorsque sa valeur excède 40 000 $. Dans ce cas, le tuteur devra obtenir l’autorisation du tribunal pour aliéner ce bien et l’avis du conseil de tutelle sera également sollicité (article 289.1 du Code civil du Québec).

 Attention : Depuis l’entrée en vigueur de la Loi visant à mieux protéger les personnes en situation de vulnérabilité en novembre 2022, toutes les curatelles (suivant lesquelles le curateur avait les pouvoirs de la pleine administration) sont devenues des tutelles et les tuteurs sous le nouveau régime ont maintenant les pouvoirs de la simple administration.

Mesures de surveillance du tuteur

Reddition de compte

Conseil de tutelle

Il est maintenant obligatoire de prévoir que le mandataire en fonction devra rendre compte de son administration à une personne et la fréquence de cette reddition de compte ne doit pas excéder 3 ans, et ce, suivant l’article 2166.1 alinéa 3 du Code civil du Québec. Il est possible d’inscrire que ce sera le Curateur public du Québec qui devra recevoir la reddition de compte.

Dans le cadre de la procédure d’ouverture de tutelle, plus précisément lors de l’assemblée de parents, d’alliés ou d’amis, un conseil de tutelle est proposé. Le conseil de tutelle a pour rôle de surveiller et conseiller le tuteur. Comme pour le tuteur, le tribunal confirme la composition du conseil de tutelle lorsqu’il rend son jugement pour l’ouverture de tutelle.

 Suivant les articles 228 et 266 du Code civil du Québec, le conseil de tutelle est normalement formé de 3 membres et de 2 membres suppléants, mais il peut être parfois constitué d’une seule dans certaines circonstances (voir les articles 231 et 266 du Code civil du Québec).

Ce tableau est un résumé des principales différences entre la présence d’un mandat de protection et l’absence d’un mandat de protection, mais il existe bien sûr d’autres différences, sans oublier qu’il est possible, dans un mandat de protection, de guider son mandataire à la personne dans sa prise de décisions quant à vos soins en confirmant son opposition ou non à tout acharnement thérapeutique ou diagnostic.

Il est également possible de prévoir une procuration avec son mandat de protection, ce qui peut notamment avoir une utilité lors de la procédure d’homologation du mandat de protection. Pour plus d’information à ce sujet, nous vous invitions à consulter le blogue intitulé « L’utilisation de la procuration d’une personne en perte d’autonomie » sur notre site Internet en utilisant le lien suivant : https://www.beauchampgilbert.com/fr/blogue/lutilisation-de-la-procuration-dune-personne-en-perte-dautonomie.

Afin de discuter plus en détail du mandat de protection et de vos besoins à ce sujet, nous vous invitions à nous joindre et un notaire chez BEAUCHAMP GILBERT NOTAIRES prendra le temps d’analyser ces aspects avec vous.

Me Kasandra Kutlesa, notaire

Commençons par une petite histoire. La sœur de Sophie décède dans un accident de voiture. Sophie découvre qu’elle est la bénéficiaire d’un REER que sa sœur détenait auprès d’une compagnie d’assurance. Sophie se questionne grandement quant à sa responsabilité pour le paiement des impôts suite au décaissement de ce REER. Elle se demande si, à titre de bénéficiaire, elle sera responsable du paiement de l’impôt ou si c’est la succession de sa sœur qui en sera responsable. Notre réponse à Sophie est assez simple ! En règle générale, le bénéficiaire désigné d’un REER ou d’un FERR recevra le REER ou le FERR, et ce libre d’impôt. Voici pourquoi.

En vertu des lois fiscales québécoises et fédérales[1], le défunt est réputé avoir disposé de ses actifs à sa juste valeur marchande, REER et FERR inclus, au moment du décès. Ainsi, la valeur du REER ou du FERR doit être incluse dans la déclaration fiscale de la défunte pour l’année de son décès. Par le fait même, la succession de la défunte sera responsable du paiement de la dette fiscale. Une telle interprétation des lois fiscales fut retenue dans plusieurs jugements[2], dont dans l’affaire Laforest c. Boudreault[3].

Dans cette affaire, le juge de première instance a établi que l’article 146 (8.8) a) de la Loi de l’impôt sur le revenu est clair. Il mentionne que la Loi « a pour effet de faire entrer le passif que constituent les impôts à payer dans le patrimoine du défunt puisqu’il est réputé avoir encaissé les REER le jour avant son décès. S’agissant d’un passif créé le jour précédant le décès, il est donc un passif de la succession[4].» Ainsi, la dette fiscale résultant de l’encaissement du REER ou du FERR n’est pas de la responsabilité du bénéficiaire du REER ou du FERR, mais bien de la succession de la défunte. Ce jugement fut porté en appel. En cette deuxième instance, les juges sont d’avis que le juge de première instance n'a commis aucune erreur en concluant que la succession était responsable du paiement de la dette d'impôt et que la responsabilité ultime de la dette fiscale n'est pas celle du bénéficiaire, mais bien de la succession[5].

Donc, la règle générale est que la responsabilité des impôts découlant du REER/FERR est celle de la succession de la défunte. Toutefois, il est important de noter qu’il existe des exceptions à ce principe (par exemple le cas d’une succession insolvable), d’où l’importance, lors de la rédaction d’un testament, de dresser une liste détaillée de vos avoirs pour que le notaire puisse en prendre connaissance et vous conseiller adéquatement. Si vous avez besoin d’aide avec la confection de votre testament ou si vous avez des questions dans le cadre de la liquidation d’une succession. Nous sommes là pour vous! Consultez-nous : info@beauchampgilbert.com. Un membre de notre équipe se fera un plaisir de communiquer avec vous.

 [1] Art. 146 (8.8) a) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.) et art. 915.2 Loi sur les impôts, RLRQ, c. I-3.

[2] Slater c. Klassen, 2000 DTC 6336; Curley v. MacDonald, 2000 CanLII 22836 (ON SC); Verville c. Industrielle-Alliance (L’), compagnie d’assurance sur la vie, J.E. 99-472 (QC C.S.).

[3] Laforest c. Boudreault, 2015 QCCA 162.

[4] Boudreault c. Laforest, 2013 QCCS 4575, para. 73-73.

[5] Ibid, note 3.

 

Me Joëlle Tremblay, notaire

Le décès, au même titre que le divorce, dissout l’union qui unissait deux personnes mariées. Eh oui, le décès est également un motif de dissolution du mariage ! Plusieurs conséquences peuvent découler du décès d’un conjoint marié et le testament peut être un outil fort important afin de planifier la dissolution de cette union. Dans un tel cadre de dissolution, la présence d’un contrat de mariage ou non viendra également « changer la donne » dans les calculs entourant le partage des biens des époux. Voyons ensemble comment cette dissolution se concrétisera pour le conjoint survivant.

Présence ou non d’un contrat de mariage ?  

Au Québec, peu importe le régime matrimonial choisi par des conjoints mariés, il y aura toujours deux composantes qui s’appliqueront à ces derniers à la dissolution de leur union, soit le patrimoine familial et ensuite le régime matrimonial. Ainsi, avant tout, lors du décès d’un défunt marié, il est important de vérifier si les époux avaient conclu un contrat de mariage devant un notaire. En effet, le régime matrimonial sera établi dans le contrat de mariage ou par la loi, si les conjoints n’ont pas signé de contrat de mariage.

Si un contrat de mariage a été signé, il établira le régime matrimonial des époux et le partage des biens se fera selon ce choix de régime. Si les époux n’ont pas signé de contrat de mariage, le partage des biens se fera selon le régime légal. Le régime qui s’appliquera sera normalement celui du lieu du domicile des époux au moment de leur union.

Patrimoine familial et régimes matrimoniaux

Le patrimoine familial est une mesure d’ordre public et tous les couples mariés ne peuvent s’en dissocier. C’est le régime primaire, et ses règles doivent être respectées, avant même de parler du régime matrimonial du couple.

Suivant le Code civil du Québec “Le patrimoine familial est constitué des biens suivants dont l’un ou l’autre des époux est propriétaire : les résidences de la famille ou les droits qui en confèrent l’usage, les meubles qui les garnissent ou les ornent et qui servent à l’usage du ménage, les véhicules automobiles utilisés pour les déplacements de la famille et les droits accumulés durant le mariage au titre d’un régime de retraite.”

Les autres biens des époux non inclus dans le patrimoine familial seront traités suivant le régime matrimonial des époux et au Québec, nous retrouvons principalement deux régimes matrimoniaux, soit la séparation de biens et la société d’acquêts, bien que d’autres régimes puissent aussi s’appliquer, par exemple la communauté de biens ou un régime matrimonial étranger.

Pour être mariés en séparation de biens, les conjoints doivent avoir signé un contrat de mariage devant un notaire. Suivant le régime de la séparation de biens, il n’y a aucun partage de biens, chaque époux conserve ses propres biens. Il faut alors seulement procéder au partage de la valeur des biens composant le patrimoine familial.

Si aucun contrat de mariage n’est signé par les époux, le régime matrimonial sera la société d’acquêts, en principe. Dans ce cas, il faudra faire deux partages, soit celui de la valeur des biens inclus dans le patrimoine familial et celui de la valeur des biens inclus dans la société d’acquêts, laquelle consiste aux biens non inclus dans le patrimoine familial.

Dans le cas du décès d’un conjoint marié, vous l’aurez deviné, c’est le conjoint survivant et la succession du conjoint décédé qui devront procéder à ce(s) partage(s). Ce(s) partage(s) permettra(ont) de déterminer lequel du conjoint survivant ou de la succession devra verser une somme à l’autre pour rétablir le déséquilibre monétaire entre les deux.

Succession testamentaire VS succession ab intestat

Il faut faire la différence entre une succession testamentaire, soit une personne qui décède avec un testament, et une succession ab intestat, soit une personne qui décède sans testament. Au Canada, plus de 50 % de la population n’a pas signé de testament. 50 %, c’est énorme ! Mais quel est l’avantage de faire un testament si nous sommes mariés ? Contrairement aux croyances populaires, au Québec, même si une personne est mariée, son conjoint n’héritera pas seul si aucune disposition testamentaire ne prévoit ce scénario. Dépendamment de la situation familiale du défunt, le conjoint marié héritera avec les enfants du défunt ou à défaut d’enfants, avec les parents et frères et sœurs du défunt.

Pour éviter que votre conjoint n’hérite pas seul, il est possible de prévoir dans votre testament que votre conjoint sera l'unique héritier de votre succession. De cette façon, votre conjoint héritera seul de vos biens et ne devra pas payer une somme à votre succession pour le partage du patrimoine familial et du régime matrimonial, sauf quelques exceptions, notamment si la succession est insolvable. Dans ce dernier cas malheureux, il se pourrait que l’époux survivant se voit contraint de payer une somme à la succession suite au partage de la valeur des biens du patrimoine familial et du régime matrimonial, puisque les créanciers du défunt sont en droit de recevoir ces sommes qui serviront au paiement des dettes de celui-ci.

Nous en profitons pour faire un petit rappel important sur les conjoints de fait : en l’absence de dispositions testamentaires désignant le conjoint de fait comme héritier, ce dernier ne sera pas héritier de votre succession, même si vous êtes ensemble depuis des dizaines d’années. 

Nous ne le répéterons jamais assez que le testament est le seul outil qui vous assure du choix de vos héritiers !

Régime enregistré d'épargne-retraite (ci-après “REER”) VS legs à un conjoint

L'un des avantages de léguer son REER à son conjoint est qu’il sera possible de reporter l’impact fiscal lié à ce legs à un moment ultérieur. Normalement, l’entièreté des REER d’un défunt doit être imposée suivant son taux d’imposition à la date de son décès. Lorsque la personne qui reçoit les REER du défunt se qualifie de conjoint au sens fiscal, il est possible de se prévaloir d’un avantage fiscal suivant lequel cette imposition sera reportée à des moments ultérieurs, comme au décaissement des REER par le conjoint survivant ou à son propre décès.

Pour se prévaloir d’un tel transfert, il peut être exigé de produire certains documents dans un délai spécifique. Malgré qu’un conjoint de fait peut se qualifier pour un tel transfert, certaines exigences devront être respectées. Pour de plus amples renseignements, il est fortement conseillé de consulter son fiscaliste pour connaître toutes les composantes et exigences afin que ce transfert puisse avoir lieu avec le moins d’impact fiscal.

Obligation alimentaire

L’article 684 du Code civil du Québec prévoit que le conjoint survivant d’un défunt marié, créancier d’aliments (par exemple, qui reçoit une pension alimentaire), peut réclamer une obligation alimentaire à la succession de ce défunt. C’est la loi qui prévoit comment sera calculée cette somme et comment elle sera payée. Encore une fois, il faut faire preuve d’une grande vigilance puisque la réclamation au liquidateur de la succession pour obtenir cette somme doit être faite dans les 6 mois du décès du conjoint.

Conclusion

Comme vous pouvez le constater, ce n’est pas parce que vous êtes marié que votre liquidation de succession sera plus simple. Notre plus grande recommandation : consultez un notaire avant de faire votre testament. Le notaire vous conseillera adéquatement sur la façon de léguer vos biens avec le moins d’impact négatif possible.

Venez à notre rencontre, nos notaires connaissent bien le domaine des successions, ils pourront vous conseiller avant ou après un décès : info@beauchampgilbert.com

 

Me Cindy Gilbert, notaire

Remettre l’argent aux héritiers avant la fin de la liquidation de la succession, oui ou non?

La liquidation des successions est un long processus, qui apporte son lot de frustrations. Les délais sont interminables avant qu’un héritier puisse recevoir sa part d’héritage. Le liquidateur qui veut bien faire, doit respecter plusieurs étapes cruciales avant de pouvoir libérer les actifs du défunt, dans un premier temps, pour ne pas lui-même être tenu personnellement responsable des dettes du défunt, mais aussi, pour ne pas engager, non plus, la responsabilité des héritiers, au-delà des biens qu’ils recueillent. C’est donc normal que le liquidateur refuse de remettre des sommes aux héritiers en cours de liquidation.

Le Code civil du Québec est très clair dans les démarches que le liquidateur doit suivre pour ne pas engager sa responsabilité. La première, et une des plus importantes étapes de la liquidation des successions, est la confection de l’inventaire de l’actif et du passif du défunt. L’inventaire détermine tous les biens que possédait le défunt, mais aussi toutes ses dettes au jour de son décès. Il est adéquat par la suite de poser un diagnostic de la succession : succession solvable, succession non manifestement solvable et succession manifestement insolvable. Selon ce diagnostic, la succession ne se liquidera pas tout à fait de la même façon.

Une fois que l’inventaire est signé par le liquidateur ou les héritiers, des avis de clôture d’inventaire doivent être publiés au Registre des droits personnels et réels mobiliers (RDPRM) et dans un journal circulant dans la localité du domicile du défunt. Ces avis permettent d’informer les créanciers, en général, du décès du défunt. Si le créancier veut alors faire valoir sa créance, il pourra le faire auprès du liquidateur ou des héritiers.

L’article 808 du Code civil prévoit que le liquidateur peut commencer à payer les créanciers après que les avis de clôture aient été publiés, en autant que la succession s’avère manifestement solvable. Si la succession s’avère insolvable, bien sûr, la loi prévoit d’autres démarches devant le tribunal. Cela pourra faire l’objet d’un autre article. À ce moment, il est clair que le liquidateur devra suivre une procédure spéciale et il n’est aucunement autorisé à payer quelques dettes avant d’avoir eu un jugement du tribunal.

Le fait pour le liquidateur de remettre des sommes d’argent aux héritiers avant d’avoir dressé l’inventaire et publié les avis de clôture n’est pas sans conséquence. En effet, la loi considère alors que sans inventaire, il y a confusion des biens entre ceux du défunt et ceux de l’héritier. Si les dettes du défunt sont alors plus importantes que son actif, les créanciers auront la possibilité de saisir, par exemple, les biens personnels de l’héritier.

Bien qu’il y ait une croyance à l’effet que le liquidateur a six mois pour dresser un inventaire, il n’en est rien. Ce délai de 6 mois vise plutôt l’option offerte aux successibles. En effet, si un successible veut renoncer à une succession, il doit le faire dans les 6 mois du décès. Pour prendre une décision en ce sens, il faut bien sûr se référer à un inventaire. Par contre, la réalité est toute autre! Dresser un inventaire dans un délai de 6 mois est presque impossible! Juste attendre les feuillets fiscaux pour finaliser les impôts du défunt peuvent prendre des mois… Comme l’inventaire doit refléter un portrait exact de la situation du défunt à son décès, il est essentiel que les impôts aient été faits. Ainsi, nous allons le plus souvent dresser un bilan sommaire de l’actif et du passif du défunt avec les seules informations obtenues dans ce délai de six mois, question que les successibles puissent opter. Mais l’inventaire, tel que le Code civil le requiert peut prendre beaucoup plus de temps, voire parfois plus d’un an, dans certaines successions.

Une fois que l’inventaire est signé et que les avis de clôture ont été publiés, la liquidation n’est pas terminée, malgré ce qu’on peut en penser. Oui, il y a le côté civil, mais il y a le côté fiscal également à respecter. Les lois fiscales, provinciales et fédérales, prévoient qu’un liquidateur ne peut distribuer de biens avant d’avoir obtenu les certificats de décharge (fédéral) et de distribution (provincial). Encore une fois, ces certificats font office de protection pour le liquidateur. Si un liquidateur fait remise de biens de la succession avant d’avoir obtenu ces deux certificats, il pourra être tenu PERSONNELLEMENT responsable des dettes fiscales, s’il y a lieu. Un pensez-y-bien pour le liquidateur!

Nul doute qu’il est fort possible que le liquidateur vous refuse une remise de votre legs tant qu’il n’a pas obtenu les certificats en question. Le testament a beau prévoir que vous devrez recevoir votre legs de 100 000$ dans les 6 mois du décès, et bien, ne vous surprenez pas qu’il n’en soit pas ainsi!

Les délais d’obtention pour ces deux certificats sont très longs! D’abord, rien ne sert de les demander tant que les impôts n’auront pas été produits. Ils ne seront pas émis avant que tout ait été cotisé, également. Il faut comprendre que pour les ministères du Revenu provincial et fédéral, c’est l’ultime chance de vérifier tout le dossier fiscal des dernières années du défunt. Les délais d’attente sont interminables, au-delà de 6 mois présentement, une fois que les impôts sont déposés et cotisés. Il faut s’armer de patience!

Cette démarche n’a pas à être entreprise si le seul héritier est également liquidateur, puisque l’héritier est de toute façon responsable des dettes du défunt. Dans son cas, pour sa protection, seuls un inventaire signé et l’avis de clôture publié lui permettront de ne pas être responsable des dettes du défunt au-delà des avoirs qu’il recueille.

En résumé, il n’est pas rare de voir des héritiers exaspérés de ne pas recevoir leur legs dans des délais acceptables, mais il peut s’avérer normal d’attendre si longtemps. La liquidation d’une succession peut être un long processus, et pour certaines successions, il ne faut pas se surprendre si les délais prennent plus d’un an, même plus de deux ans!

La liquidation d’une succession n’est pas une tâche simple. Vous avez besoin d’aide? Nous sommes là pour vous, surtout que c’est notre principale spécialité! Consultez-nous : info@beauchampgilbert.com.

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