Me Joëlle Tremblay, notaire

La protection des personnes vulnérables occupe une place très importante dans notre société, davantage lorsqu’une personne est en perte d’autonomie et qu’elle doit être déclarée inapte légalement. C’est la raison pour laquelle il existe des mécanismes de protection prévus par la loi et ces mécanismes sont principalement l’homologation du mandat de protection (en présence d’un mandat de protection) et l’ouverture d’une tutelle (en l'absence d’un mandat de protection).

Il est important de faire un léger survol de ce qu’est un mandat de protection. L’article 2166 du Code civil du Québec prévoit ce qui suit :

« Le mandat de protection est celui donné par une personne majeure en prévision de son inaptitude à prendre soin d’elle-même ou à administrer ses biens; il est fait par acte notarié en minute ou devant témoins. Il ne peut être fait conjointement par deux ou plusieurs personnes. »

Plusieurs différences existent entre les deux mécanismes de protection reconnus au Québec, créant d’importantes distinctions quant aux impacts sur l’administration des biens de la personne vulnérable et le consentement à ses soins. Regardons ensemble les principales différences à l’aide du tableau explicatif ci-bas

Homologation d’un mandat de protection

Ouverture d’une tutelle

Représentant légal

Mandataire

Tuteur

Lorsque vous préparez votre mandat de protection, vous nommez des personnes afin qu’elles administrent en votre nom vos biens et consentent en votre nom à vos soins dans le cas où vous deviendrez inapte.

Lorsqu’une personne devient inapte et qu’elle n’a pas signé de mandat de protection, il est nécessaire de lui nommer un tuteur.

 

Le tuteur est proposé dans le cadre de la procédure d’ouverture de tutelle, plus précisément lors de l’assemblée de parents, d’alliés ou d’amis. Par la suite, le tribunal confirme ou non cette nomination lorsqu’il rend son jugement pour l’ouverture de tutelle.

Vous pouvez nommer une seule personne pour agir comme mandataire ou plusieurs personnes en même temps.

Attention : il est possible de nommer deux tuteurs à la personne seulement lorsque les tuteurs sont les père et mère (article 268.1 alinéa 1 du Code civil du Québec).

Vous pouvez nommer une même personne pour agir comme mandataire aux biens (administration des biens) et mandataire à la personne (consentement aux soins) ou des personnes différentes.

Il est possible que soient nommées une même personne pour agir comme tuteur aux biens (administration des biens) et tuteur à la personne (consentement aux soins) ou des personnes différentes.

Il est fortement recommandé de nommer des mandataires remplaçants dans le cas où le mandataire nommé ne peut pas agir (ex. : en cas de décès, de renonciation, d’inaptitude).

Depuis l’entrée en vigueur de la Loi visant à mieux protéger les personnes en situation de vulnérabilité en novembre 2022, il est maintenant possible de nommer un tuteur remplaçant dans le cas où le tuteur nommé ne peut pas agir (ex. : en cas de décès, de renonciation, d’inaptitude).

Fait intéressant : il n’est pas possible de nommer le Curateur public du Québec pour agir comme mandataire.

Fait intéressant : il est possible de nommer le Curateur public du Québec pour agir comme tuteur. Dans ce cas, le Curateur public du Québec ne peut pas refuser cette nomination et devra agir (articles 261 et 266 du Code civil du Québec).

Administration des biens (pouvoirs)

Choix de la pleine administration ou de la simple administration

Imposition de la simple administration

Lorsque vous préparez votre mandat de protection, vous choisissez les pouvoirs d’administration qu’aura votre mandataire.

Le tuteur a les pouvoirs conférés par la simple administration, et ce, suivant l’article 286 du Code civil du Québec, et devra donc obtenir certaines autorisations dans le cadre de l‘administration de vos biens.

Vous pouvez soit choisir la pleine administration et votre mandataire ne sera pas restreint dans ses pouvoirs pour l‘administration de vos biens, soit choisir la simple administration et votre mandataire devra obtenir certaines autorisations dans le cadre de l‘administration de vos biens.

Une situation fréquente suivant laquelle le tuteur doit obtenir une autorisation est la vente d’un immeuble lorsque sa valeur excède 40 000 $. Dans ce cas, le tuteur devra obtenir l’autorisation du tribunal pour aliéner ce bien et l’avis du conseil de tutelle sera également sollicité (article 289.1 du Code civil du Québec).

 Attention : Depuis l’entrée en vigueur de la Loi visant à mieux protéger les personnes en situation de vulnérabilité en novembre 2022, toutes les curatelles (suivant lesquelles le curateur avait les pouvoirs de la pleine administration) sont devenues des tutelles et les tuteurs sous le nouveau régime ont maintenant les pouvoirs de la simple administration.

Mesures de surveillance du tuteur

Reddition de compte

Conseil de tutelle

Il est maintenant obligatoire de prévoir que le mandataire en fonction devra rendre compte de son administration à une personne et la fréquence de cette reddition de compte ne doit pas excéder 3 ans, et ce, suivant l’article 2166.1 alinéa 3 du Code civil du Québec. Il est possible d’inscrire que ce sera le Curateur public du Québec qui devra recevoir la reddition de compte.

Dans le cadre de la procédure d’ouverture de tutelle, plus précisément lors de l’assemblée de parents, d’alliés ou d’amis, un conseil de tutelle est proposé. Le conseil de tutelle a pour rôle de surveiller et conseiller le tuteur. Comme pour le tuteur, le tribunal confirme la composition du conseil de tutelle lorsqu’il rend son jugement pour l’ouverture de tutelle.

 Suivant les articles 228 et 266 du Code civil du Québec, le conseil de tutelle est normalement formé de 3 membres et de 2 membres suppléants, mais il peut être parfois constitué d’une seule dans certaines circonstances (voir les articles 231 et 266 du Code civil du Québec).

Ce tableau est un résumé des principales différences entre la présence d’un mandat de protection et l’absence d’un mandat de protection, mais il existe bien sûr d’autres différences, sans oublier qu’il est possible, dans un mandat de protection, de guider son mandataire à la personne dans sa prise de décisions quant à vos soins en confirmant son opposition ou non à tout acharnement thérapeutique ou diagnostic.

Il est également possible de prévoir une procuration avec son mandat de protection, ce qui peut notamment avoir une utilité lors de la procédure d’homologation du mandat de protection. Pour plus d’information à ce sujet, nous vous invitions à consulter le blogue intitulé « L’utilisation de la procuration d’une personne en perte d’autonomie » sur notre site Internet en utilisant le lien suivant : https://www.beauchampgilbert.com/fr/blogue/lutilisation-de-la-procuration-dune-personne-en-perte-dautonomie.

Afin de discuter plus en détail du mandat de protection et de vos besoins à ce sujet, nous vous invitions à nous joindre et un notaire chez BEAUCHAMP GILBERT NOTAIRES prendra le temps d’analyser ces aspects avec vous.

Me Marie-Ève Bercier, notaire

Ma mère est inapte, dois-je quand même faire homologuer son mandat de protection si j’ai une procuration?

Quand est-ce que ma procuration perd sa validité si mon père est inapte?

Est-ce que je peux continuer d’administrer les biens de ma tante en attendant le jugement pour l’homologation de son mandat?

Ce sont les questions les plus fréquemment posées par nos clients lorsque les personnes qui leur sont chères sont en perte d’autonomie et qu’ils détiennent des procurations pour elles. Afin de les aider à voir à la gestion des affaires courantes de ces personnes, voici nos réponses à ces questions.

1. La procuration

La procuration, dont les assises juridiques se retrouvent aux articles 2130 et suivants du Code civil du Québec (ci-après C.c.Q.), est un outil qui permet à une personne, appelée le mandataire, d’agir pour une autre, appelée le mandant, dans l’accomplissement de certains actes.  Il est présumé par tous que le mandataire agit suivant les instructions et avec le consentement du mandant. 

La procuration peut être générale, ce qui permet au mandant d’être représenté pour divers actes de simple administration.  Par exemple, le renouvellement d’une police d’assurance, le paiement d’un loyer, l’achat de nourriture ou de vêtements.  La procuration peut également être spéciale permettant, cette fois, au mandant, d’être représenté pour accomplir un acte spécifique. Parmi les actes relevant de la pleine administration, nous retrouvons le plus souvent la vente d’un immeuble. 

Sachez que le mandant peut révoquer la procuration qu’il a donnée à tout moment et pour n’importe quelle raison.

2. La perte d’autonomie

La perte d’autonomie est souvent progressive, il arrive donc qu’à un certain moment, le mandant perde l’aptitude à donner des instructions à son mandataire ou même à consentir aux actes effectués pour lui.  C’est à ce moment-là que la procuration cesse de produire ses effets.  Chaque mandataire doit être vigilant et s’assurer que le mandant est bien apte à lui donner ses directives.  Si tel n’est pas le cas, il doit cesser d’utiliser la procuration puisqu’elle n’est plus valide. Du moins, les démarches pour l’homologation d’un mandat de protection ou de l’ouverture d’un régime de protection doivent être débutées pour pouvoir, dans l’intervalle, continuer à utiliser la procuration. Nous traitons de cette situation ci-après.

Il est fort possible que certaines institutions, financières ou autres, questionnent l’utilisation de la procuration et tentent de communiquer avec le mandant pour constater son aptitude.  Il est tout à fait normal pour eux de vérifier que la procuration est utilisée en bonne et due forme et de vous demander de voir à instaurer un régime de protection si le mandant ne semble pas apte. Il ne faut pas s’en surprendre!

En présence de maladies dégénératives, il est difficile de savoir à quel moment la personne en perte d’autonomie n’est plus en mesure de prendre des décisions pour elle-même.  L’avis d’un médecin ou d’un travailleur social peut être très utile dans ces situations.   

2.1 Le régime de protection

Lorsqu’un médecin et un travailleur social arrivent à la conclusion qu’une personne est inapte, il est temps de voir à sa protection.  Il faudra donc homologuer son mandat de protection si elle en a signé un ou lui ouvrir un régime de protection (tutelle ou curatelle), si au contraire, elle n’a pas signé de mandat de protection.

2.2 Que faire en attendant?

Ce moment est critique puisqu’il est évident que le mandant n’a pas la capacité d’agir pour lui-même ni de donner des instructions à son mandataire, cependant, la mise en place d’un régime de protection est un processus qui peut s’étendre sur plusieurs mois. Le législateur a donc prévu certaines façons de conserver le statu quo tout en obligeant le mandataire à voir à l’instauration d’un régime de protection.

Ainsi, dès que la demande en homologation du mandat ou la demande en ouverture du régime de protection est déposée au tribunal ou le sera de façon imminente, la gestion des affaires courantes de la personne en vue d’être déclarée inapte peut se poursuivre par la personne qui possède déjà un mandat (procuration) à cet effet. Les articles 2167.1, al. 2 et 273 C.c.Q. permettent au détenteur d’une procuration de continuer d’agir en vertu des pouvoirs qui lui avaient été conférés en attendant que le jugement soit rendu.  Le mandataire qui agissait en vertu d’une procuration non révoquée, ni en voie de l’être, conserve les pouvoirs que la procuration lui conférait en attendant que le processus d’homologation du mandat ou de l’ouverture d’un régime de protection soit finalisé.

3. Clin d’œil aux situations où il n’y a pas de procuration

3.1 Direction de la famille

S’il n’y a pas de procuration et que la personne ne peut manifester sa volonté en temps utile, il ne faut pas oublier que le législateur a prévu un mandat présumé donné par un époux à l’autre lorsque les actes devant être accomplis relèvent de la direction morale et matérielle de la famille ou des pouvoirs que lui attribue son régime matrimonial. (Art. 398, 443 et 444 C.c.Q.)

3.2 Consentement aux soins

Également, concernant les soins de santé requis par le majeur qui ne serait pas protégé par un régime de protection, le législateur a prévu que la famille, un proche parent ou une personne démontrant de l’intérêt pour ce majeur pouvait consentir aux soins requis par son état de santé. (Art. 15 C.c.Q.)

En conclusion, il faut retenir que la procuration a ses limites. Un jour ou l’autre, devant l’inaptitude d’une personne, il faudra procéder à l’homologation du mandat de protection ou à l’ouverture d’un régime de protection, même en présence d’une procuration. Autrement, le mandataire de la procuration agirait sans autorisation légale et ses gestes et actions pourraient être annulés.

Vous désirez en savoir davantage sur la procuration, l’institution financière ne veut plus reconnaitre cette procuration, vous ne savez pas si vous pouvez poser un geste en particulier puisqu’une personne de votre entourage est en perte d’autonomie, nous sommes là vous vous aider. Communiquez avec notre étude à  info@beauchampgilbert.com

 

 

 

 

 

 

Me Cindy Gilbert, notaire

Quand un client vient consulter son notaire pour son mandat de protection, c’est d’abord et avant tout pour bien se faire conseiller et s’assurer qu’il sera protégé advenant son inaptitude. Une des meilleures protections est sans conteste le mécanisme de la reddition de compte.

Que dit la loi?

Le mandataire doit avant toute chose se conformer à la disposition prévue à cet effet à l’article 1351 du Code civil du Québec, au chapitre de l’administration du bien d’autrui. Ainsi, il est tenu de rendre compte de sa gestion au moins une fois par année du moment que le mandat de protection est homologué, suite à la survenance de l’inaptitude du mandant.

Étant donné que le mandant est inapte, forcément, il ne peut recevoir cette reddition de compte annuelle, n’étant pas en mesure de juger adéquatement de l’administration qui a été faite de ses biens.

Cependant, si le mandant a certaines capacités et qu’il demande à son mandataire de lui fournir la reddition de compte, ce dernier aura l’obligation de lui fournir et de répondre à ses questions. Ce sont généralement des cas isolés.

Dispenser la reddition de compte

Même s’il est possible pour le mandant de dispenser son mandataire de produire une reddition de compte annuelle à une tierce personne, dans le cadre du mandat de protection, il est de bonne pratique, selon nous, de fortement recommander cette protection.

Les avantages de la reddition de compte

Bien évidemment, nous comprenons cette mesure de protection pour le mandant. Cela assure une saine gestion des avoirs de la personne inapte, une transparence également dans l’administration des biens, et permet l’évitement de conflits familiaux. Quoi de mieux pour un frère de prendre connaissance de la gestion de sa sœur, mandataire de son père! C’est certainement le début d’une meilleure confiance entre membres d’une même famille.

Sans compter qu’au jour du décès du mandant, ce sera tellement plus simple pour le mandataire de produire sa reddition de compte finale au liquidateur et/ou aux héritiers, si au fil des années il a produit les redditions de compte annuelles, lesquelles ont déjà été acceptées. La reddition de compte au jour du décès est obligatoire, et cette fois la dispense n’est pas possible.

Une protection pour le mandataire

Au surplus, le mandataire se retrouve tout autant protégé; nous avons souvent tendance a oublié cet aspect. En effet, la loi oblige le mandataire à rendre compte de sa gestion à la fin du mandat, dans la majorité des cas, au moment du décès du mandant.

Il suffit de s’imaginer les 10 ans de gestion du mandataire pour vite s’apercevoir de l’ampleur de la reddition de compte à la fin de l’administration. Une reddition de compte annuelle assure que les revenus et dépenses sont compilés au fur et à mesure, que la personne qui reçoit la reddition de compte puisse poser ses questions dans un délai acceptable, empêchant alors le mandataire de se retrouver avec de fâcheux trous de mémoire, dix ans plus tard, au grand désarroi de la famille!

La nouvelle loi sur le Curateur public favorisant la protection des personnes vulnérables

La nouvelle loi sur le Curateur public devrait entrer en vigueur au courant de l’année 2022 et le législateur n’a pas lésiné sur ce mécanisme de protection! Il ne sera plus possible, dorénavant, de relever le mandataire de cette obligation de rendre compte de sa gestion. Cette obligation vaudra pour tous les mandats de protection signés après l’entrée en vigueur de la loi.

Et avant l’entrée en vigueur de la loi? La dispense de rendre compte prévue aux mandats de protection avant la date d’entrée en vigueur restera alors effective.

Comme quoi, la reddition de compte est loin d’être inutile …

Le mandat de protection, chez Beauchamp Gilbert, nous le connaissons bien, consultez-nous: https://www.beauchampgilbert.com/fr/nos-coordonnees